OU pourquoi tu finiras de toute façon par verser une petite larme (au moins) lors de ce premier spectacle
Cela fait des semaines qu’elle répète. Et moi, je ne suis que stress et tremblements.
J’ai mis un bail à trouver son déguisement. Et j’ai pas vraiment assuré. Le chemisier blanc, je l’ai trouvé au rayon garçon. Les bas, ils sont marines et pas noirs. Et les ballerines, manifestement… elles sont trop petites car ellesfontunpeumalauxpiedsmaman.
Pour être sûre qu’elle soit dans le rythme, je lui passe la chanson en boucle depuis des jours. Quand elle mange. Quand on est dans la voiture. L’air de rien quoi.
Parce que c’est pas du petit spectacle qu’elle s’apprête à faire, Mistinguette. 13 minutes de choré, moi je dis respect ( à ses Madames surtout).
Et puis le thème, c’est nous, les Mamans Guerrières de la classe, qui avions soufflé l’idée aux Madames, lors d’un diner de parents généreusement arrosé.
Un thème de foufou: Mary Poppins…
(j’entends jusqu’ici tes cris de folie.)
Oui, Mary Poppins. Tellement plus rock and roll que la Reine Machin Brol.
Du coup donc, cela fait des semaines que je me tape en boucle et chantonne à tue-tête Chem Cheminée, Le Morceau de Sucre et Supercalifragilici… euh… enfin tu connais hein .
J’ai même laissée Mistinguette regarder le film au moins trente minutes sans dire une seule fois que la télévision, c’est mauvais pour les petits enfants.
Même que depuis trois jours je l’appelle Mary, au cas où elle aurait oublié en quoi elle sera déguisée.
Le fameux samedi matin de la fancy fair est donc arrivé. Rendez-vous fixé à 10H15 dans sa classe.
Sauf que moi, à 10H15, je suis encore devant chez nous. Seul un enfant est déjà assis dans la voiture. Il en reste donc 4 à charger. Plus la poussette. Plus deux-trois bricoles à priori sans importance (du genre kit de survie pour urgence popo, porte-bébé ergonomique, thermos d’eau chaude pour biberon, en zo voort).
A 10H30, je traverse la cour de récré au pas de course, Mistinguette dans les bras, tentant de lui cacher l’existence des stands de barbes à papa/gaufres/bonbons/frites. Je vérifie : il reste des tonnes de places assises devant la scène pour pouvoir faire des grands gestes comme à l’Ecole des Fans.
Je dépose Mistinguette en classe. Les Madames (mes héroïnes) sont en train d’habiller et de préparer une vingtaine d’enfants survoltés (maquillage, échauffement, relaxation, répétition, vocalise – 13 minutes de Mary Poppins, ça rigole pas).
Je retourne pour m’asseoir juste devant la scène, avec toute ma tribu.
Sauf que. En trois minutes, des milliers de parents sont soudainement arrivés, ils sont couchés sur les chaises en tendant bien les bras et les jambes pour être sûrs d’en réserver assez, ils mettent des manteaux, des chapeaux, des parapluies, des bébés un peu partout.
Moi, encore fraîche et innocente, j’ai rien réservé du tout.
Donc d’abord j’essaye, je me faufile entre les chaises pliantes, je bouscule tout, je dis pardon, désolée, est-ce que c’est libre. Mais apparemment, il y a des hordes de beaux-pères, de tantes, de marraines, de cousins qui sont juste sur le point d’arriver.
Finalement, petite bleue que je suis, en retard en plus, je la ramène pas et je vais me planquer derrière, avec ma poussette, ma Pimprenelle bondissante , les 3 grands, et SuperChéri qui reste digne, lui.
Faisons le point sur cette affaire de mouchoirs.
On est donc à 10 minutes du grand moment. Mais moi, je suis déjà au bord des larmes. Enfin plus qu’au bord. Je pleure même un petit peu, en stoemelings. Sauf qu’il n’y a encore personne sur scène. Juste le directeur qui vérifie le fonctionnement du micro en criant dedans « check check allo, alloooo est ce qu’on m’entend ».
Je n’ai plus été dans un état pareil depuis mon dernier accouchement.
Et puis soudain, je la vois tout en haut des escaliers. Je ne vois qu’elle d’ailleurs, au milieu de la vingtaine de mini Mary et de mini ramoneurs.
Ma Mary à moi. Celle qui, hier encore, buvait goulûment mon lait, à toutes les heures du jour et de la nuit, minuscule bébé non parlant, non marchant, non dansant et non chantant.
Et la voilà prête à enflammer le dance floor.
Un paquet complet de mouchoirs y passe.
Le directeur prend son micro, vérifie qu’on l’entend bien, et annonce très fièrement (mais pas autant que moi) la classe des petits lutins.
Les deux Madames (mes héroïnes) installent en deux secondes chrono un petit décor de derrière les fagots et une vingtaine d’enfants surexcités ou tétanisés. Une dizaine de ramoneurs, une dizaine de Mary. Et MA Mary.
Trois mouchoirs.
La musique commence. Elle se met à danser.
Je renonce à vouloir sauver mon mascara en tapotant bêtement mes yeux. De toute façon, mon maquillage est ruiné et à ce stade, on ne peut plus qualifier ça de « verser une petite larme ».
Elle chante de tout son petit coeur en faisant des grands gestes. Elle oublie un peu la choré à certains moments, mais on s’en fout.
Elle a l’air tellement petite soudain sur cette grande scène.
Les Madames avaient été très claires. Elles avaient dit aux parents cachez-vous dans la foule et surtout, ne faites aucun signe.
Car on le sait, trop souvent, l’enfant en représentation, apercevant ses parents dans le public, risque de se figer perdant à tout jamais le fil de la choré et se met alors à pleurer/hurler/agiter frénétiquement la main sans plus pouvoir s’arrêter.
Donc je résiste à me manifester en faisant des grands signes comme à la foire car moi, j’essaye toujours de faire tout bien comme les madames elles disent. Alors je me planque (derrière mon mouchoir) et je fais juste des petits coucous discrets.
Miss Papote, Monsieur Rêve et GrandKet, eux, y mettent tout leur coeur. SuperChéri aussi (il se frotte d’ailleurs beaucoup trop régulièrement les yeux : je le crois pas, il pleure aussi???)
Mistinguette finit par nous capter. Elle moufte pas, nous fait un petit signe, et poursuit sa choré.
J’entame mon troisième paquet de mouchoirs.
C’est dingue comme ça peut passer vite, 13 minutes.
J’applaudis comme une fan survoltée en poussant des cris de groupie à un concert de hard rock.
Le directeur hurledans son micro demande aux parents de venir rechercher leurs enfants.
Je me jette dans la foule, marchant sur des pieds, escaladant des poussettes, et bousculant des grands-mères pour aller récupérer ma Mary.
Je croise Maman Guerrière bretonne, Maman d’une autre Mary. Je lui confesse avoir versé ma petite larme (oui, je dis « ma » au singulier et « petite » contraire de grande). Elle veut me répondre mais se (re)met à pleurer. Et du coup moi-aussi.
Je récupère Mistinguette. Son rouge à lèvre a débordé partout. Je la serre fort.
Camouflant mon nez qui coule, je lui dis c’était super bien, (bisou) tu as vraiment bien dansé, je suis trop fière de toi (re-bisou), tu es vraiment une grande (doudouce) je suis super fière (bisou sur les cheveux). Alors, c’était gai ?
Et là, ma 3 ans déjà si grande mais encore toute petite, avec son premier rouge à lèvre, son noeud pap’ de Mary Poppins, ses ballerines quisontpaslabonnetaillemamantut’estrompée, son chemisier blanc (de garçon), ses bas (marine et pas noirs), ma 3 ans et sa bande de copines, ma 3 ans qui vient de me faire mouiller quatorze paquets de mouchoirs me lâche un blasé
« oui oui »
Puis, très étonnée :
« Maman, tu pleures, tu es triste ? »
Avant de me lancer un magistral et très terre-à-terre :
« Je peux avoir des frites ? »
Et toi, tu pleures aussi devant les spectacles de tes enfants ?
😉 c’est partout pareil le coup du « je débarque avec ma garde-robe pour réserver 20 places pour toutes la famille » mais c’est cool quand même !
Merci les madames !
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