La tyrannie du gâteau d’anniversaire

OU comment un cake licorne m’a ouvert les yeux sur l’essence véritable de notre rôle de mère

Cela part toujours d’une très bonne intention. Et d’un peu de radinerie. Il y a aussi de l’inconscience. Et surtout une incroyable capacité à sur-estimer totalement mes réelles compétences en pâtisserie.

Chaque année, je fais la même erreur, je pose la question-qu’on-ne-pose-sous-aucun-prétexte-à-ses-enfants : « quel gâteau tu veux que je te fasse pour ton anniversaire?  »

MA FILLE (encore à l’âge de l’amour absolu et de l’admiration aveugle) : un gâteau licorne avec des paillettes et un arc-en-ciel ! Et des ‘marties dessus.

MOI (mère courage et inconsciente) : ok, avec plai-sir ma chérie !

Me voilà à écumer Instagram et Pinterest, les blogs de recettes et les tutos. Des coeurs dans les yeux. Je vois défiler des cakes dégoulinants de crème pâtissière et de ganache au chocolat blanc. Et là je me dis : fa-cile en fait !

Je m’extasie à haute voix, j’imagine déjà les merveilles que je peux réaliser. Je deviens incollable en molly cake, je connais les différentes techniques pour réaliser un rainbow cake, et je comprends que le pochage sera la technique la plus efficace pour réaliser la crinière

Je suis au bord de l’indigestion, mais rien n’entrave ma motivation pâtissière maternelle sans faille.

Pourtant, toi qui as bien plus de jugeote que moi, tu te dis qu’un warning clignotant et tonitruant devrait s’allumer dans mon cerveau inconscient de mère courage.

Mais chez moi, rien, électroencéphalogramme plat, je ne suis que paillettes, coeurs avec les doigts et pâte à sucre rose.

Je m’applique à rédiger une liste de courses digne de ce nom. Les quantités sont prévues pour 4, je calcule qu’on sera 11, en sachant que les ados comptent pour 1 et demi, que Superchéri ne mangera qu’une bouchée par politesse, et qu’il fera 12 degrés.

J’arrive au supermarché. J’ai oublié ma liste de course. Mais qu’importe. Une liste de courses ? Moi ? Pas besoin, je suis déjà au level supérieur, je maitrise parfaitement mon sujet, avec ou sans liste.

fullsizeoutput_10fd

De retour dans ma cuisine de Reine Pâtissière, je réalise que j’ai oublié les œufs. Au-cun problème ! Je vais remplacer les blancs par de l’eau de pois chiches. Il paraît que ça marche… Ah ah, tu vois comme je suis maligne, moi la reine des pâtissières. Bon, pas sûre d’en avoir assez, pas grave, je vais mixer quelques pois chiches, histoire d’augmenter le volume.

J’ajoute la farine, le sucre. Quant au beurre, je me permets une petite touche personnelle, et je le remplace par des courgettes. Ah oui, anniversaire ou pas, on oublie pas les 5 fruits et légumes. Bon, je les épluche pas, ça ira plus vite.

Pour la levure, je remplace par du bicarbonate de soude. Voilà, 100 grammes, ça devrait suffire.

Hop au four. Qui a dit que c’était compliqué de faire un gâteau maison ?

Sur le temps de cuisson, j’y vais à la louche, je programme deux heures trente sur 220 degrés, histoire d’être sûre que ce soit cuit à cœur.

Vnj7zR8gQsqVBEdBwJA

Bon, au sortir du four, je dois bien l’admettre, la réussite n’est pas totale.

Le gâteau est dur comme du bois, il est vert et goûte le dentifrice au houmous

Mais je vais camoufler tout ça avec la déco, enfin le cake design, autant utiliser le vocabulaire adéquat, maintenant que j’entre dans le cercle très fermé des Mamans-qui-réalisent-le-gâteau-demandé-par-leur-enfant.

Pour la pâte à sucre, contrairement à la nana du tuto, je n’y arrive pas du premier coup. En fait, je n’y arrive même pas du tout. Elle ondule joyeusement sur mon cake et est blanche constellée de miettes de cake (vert donc), pas grave, je plante fièrement une corne en pâte d’amande sur le dessus.

IMG_4104

Je ne suis que fierté et joie.

Le grand jour est enfin là. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, excitée et un peu nerveuse de présenter mon œuvre d’art à la foule en délire, émue aussi à l’idée de découvrir leurs yeux embués d’émotion face à tant de beauté pâtissière.

J’amène, triomphante, en lévitation, la merveille sur la table.

La foule en délire n’est que silence et admiration.

Émue, je coupe la licorne en 11 parts égales, que je distribue dans un silence monacal.

A la dégustation aussi, les enfants restent silencieux.

Très vite cependant, après une bouchée en fait, ils abandonnent. Mon gâteau était probablement un rien trop riche. Étrange, il n’y a pourtant pas de beurre.

J’entends un « madame, t’as pas des bonbons ? J’aime pas trop le gâteau », mais je ne me formalise pas. Après tout, ils sont encore un peu jeunes pour apprécier la vraie pâtisserie maison.

Il me reste cependant à vérifier une chose, car je suis soudain prise d’un horrible doute :

« Les enfants, c’était quel animal que vous venez de manger?  »

Et là, la foule en délire, d’une seule voix réjouie, avec force et conviction, répond :

« Un rhinocérooooooooos »

c332e34f-8052-4b50-8629-fe850a58a1da

La maternité,c’est un peu la même chose. On te vend du glamour, des paillettes, du « mais c’est un jeu d’enfant » la bouche en coeur, 3 ingrédients, le tout dans le four, un peu de pâte à sucre, et tu es la reine mère sur terre. Tu te dis que les autres font pareil, et surtout, tu veux montrer aux autres, et même à la terre entière, combien tu maitrises parfaitement les gâteaux licornes et les gravity cake.

Et pourtant, parfois… souvent… tout le temps… rien ne vaut probablement le cake au chocolat, en forme de rien du tout, que tu auras préparé avec tout ton amour. Simple mais efficace, bon et réconfortant, et surtout… terriblement authentique.

Avec quelques ‘marties dessus…

+GOMhUZVTLqPY5vBV10f2A

Laisser un commentaire